dimanche 30 juillet 2017

Quelle justice ?

A plus de 70 ans, une nouvelle défaite sur le terrain judiciaire.

Toi qui t’es, à ta manière, toujours battue contre l’injustice, te voilà reléguée pour le restant de ta vie dans un appartement miteux que tu n’as pas choisi. Avec mon frère à ta charge, malgré son début de calvitie…

Des faux témoignages et des certificats de complaisances auront ce coup-ci suffi pour te condamner une dernière fois à ta condition de miséreuse. Tu es une déchue, tu appartiens aux damnées !

Mais tu n’as jamais troqué ta conscience contre le moindre avantage matériel, tu n’es pas rentrée dans quelque coterie ou réseau pour obtenir des faveurs, des passe-droits. Tu n’as pas vendu ton âme au diable ! Tu n’as pas non plus bénéficié de la solidarité familiale qu’on trouve quand on est « chez soi », sur « sa terre ». Et pour cause, tu es « de partout et nulle part à la fois » comme tu me l’as si souvent répété. Une éternelle errante…

Grâce à toi, j’ai vu que les beaux et grands discours ne résistaient pas longtemps à la trivialité du quotidien. Il est plus facile de déclamer que d’aider, simplement et concrètement, celle qui tombe.

Le prix de l’honneur et de la liberté, peut-être.

Pour ça, je suis fier d’être ton fils.

Eh ! vous, les belles âmes, s’il vous plait, ne me parlez plus de justice !

jeudi 27 juillet 2017

Le mal par le mâle

Dans la bouche d’un grossier personnage, d’un beauf mal dégrossi, on n’est pas étonné, même si on n’approuve pas l’usage intempestif d’un tel terme.
Mais quand cela vient de personnes éduquées, sensibles à la condition humaine, aux injustices, on ne peut qu’être surpris, puis triste, et finalement désespéré.

Car quand il est dit à tout bout de champ, et pour insulter, il ne raconte évidemment pas l’acte d’amour et de partage sensuel que se prodiguent deux hommes qui s’aiment ; non, il évoque la soumission du faible au fort. Il parle d’un vestiaire, d’une caserne, d’un fond de cale de navire, d’une prison, quand le « mâle dominant », par ce geste d’une brutalité inouïe, signifie à celui qu’il viole qu’il n’en est pas un, lui !

dimanche 16 juillet 2017

Le confort

Il m’aura fallu plusieurs décennies pour comprendre, mieux, pour sentir à quel point le « capital confort » accumulé génération après génération détermine les choix, les opinions, les attitudes de ceux qui en bénéficient. Une caractéristique commune à tous : ils attribuent leur position sociale, leur pouvoir économique, leur potentiel culturel à leur seuls mérites personnels. Ils ont lu, et souvent approuvé Durkheim, Lévi-Strauss, et même Bourdieu, mais ils n’en ont rien tiré de profond ou de conséquent. Et cela est parfaitement normal : ils ne luttent pas, jamais !

Ils se laissent porter par le flot apaisé du fleuve tranquille, à sa surface brillante et scintillante, tels des bouts de bois morts. Et quand les berges se resserrent et que la vitesse du fluide augmente, ils se croient générateur de courant. Voilà le petit-bourgeois-profession-intellectuelle-CSP+-cadre-A-de-la-fonction-publique dans toute la splendeur de sa fatuité. Il pérore, jauge, juge, ânonne ses idées préfabriquées, sûr de son bon droit et de son bon goût, et regarde avec le même œil condescendant le populaire et le vulgaire. Sa supériorité naturelle lui autorise toutes les infamies, les rires sous-entendus, les sarcasmes violents, les sentences sans appel. Savez-vous qu’il appelle cela de « l’humour » ?

Pourtant, qu’a-t-il donc bien fait pour être aussi fier de lui ? Crée-t-il ?  Fabrique-t-il ? Prend-il des risques ? Bâtit-il ? Non, il produit du commentaire à la chaine, note ses subordonnés ou ses élèves, évalue et supervise ; il prétend en outre éveiller les consciences, alerter les citoyens sur les périls du consumérisme et du dérèglement climatique. Et qu’il vote écolo, Mélenchon ou Macron, il se fait un devoir de manger bio et de se réjouir de la circulation alternée en cas de pic de pollution à l’Ozone. Il n’a ni la superbe indifférence du grand bourgeois plus fataliste que cynique, ni la beauté du poète maudit farfouillant ses poches creuses dans l’espoir d’y pêcher un sou pour son absinthe ; tous deux âmes bohèmes et légères, libérées des contingences…

Les combats du monde ont une esthétique particulière pour lui ; ils alimentent son imaginaire, et deviennent parfois de belles photos, de beaux récits. Le plus souvent, ce n’est que plagiat et redite. Peu importe, pourvu qu’il se distingue, que sa création lui confère ce petit surcroit d’humanité, de sensibilité. Ah, qu’il est bon de penser la condition humaine enfoncé dans son fauteuil-club, de beaux et lourds rayonnages d’intelligence pure en guise de totem protecteur, un whisky à la main, un Cobiha® qui fume sur l’accoudoir (chut, c’est un secret !), un disque de free-jazz pour parfaire cette plénitude qu’offre l’existence à ceux qui savent apprécier les bonnes choses.

Ainsi, tous autant qu’ils sont, ils passent du cocon familial au giron de Marianne, toujours généreuse avec ses serviteurs. Ils biberonnent à la mamelle de l’Etat, ont parfois le hoquet ou des haut-le-cœur, il leur arrive même d’avoir une petite colère, mais une maternelle tape dans le dos suffit, et tout rentre vite dans l’ordre. En vérité, ils constituent la plus grande force conservatrice de la société. Inertie, immobilisme, ils sont la négation de la vie, qui bruisse, bouillonne, là, juste en bas sur le trottoir d’en face. Ecoute, rapproche ton oreille camarade petit-bourgeois fils-à-papa, tu entends ? C’est un tumulte perpétuel, la lutte pour la vie. Ça ne change pas, depuis des siècles c’est pareil, les mains dans le cambouis, dans ta merde, tu comprends enfin ? Ton confort c’est le labeur des femmes et des hommes qui ne sont rien, qui fabriquent tes bagnoles, tes PC et tes Smartphones, qui édifient tes facs, tes hôpitaux et tes belles baraques, qui pensent, inventent et assemblent tes gros avions qui te permettent de passer de bonnes vacances à New York ou aux Seychelles. Ton doux et agréable confort, c’est tous ces ploucs qui protègent tes sales gosses, réparent ton électroménager, repeignent tes volets et montent le mur de clôture de ta villa à l’Ile de Ré. C’est toute l’armée des chauffeurs, livreurs, éboueurs, plongeurs, porteurs, coiffeurs, et autres auto-entrepreneurs qui n’ont de salaire à la fin du mois que s’ils ne tombent pas malade. Une grippe pour eux, c’est la ruine ! Tu sais, tous ces pauv’ gens que tu prétends défendre avec tes soi-disant convictions de gôche, et que tu méprises pour leurs goûts de chiotte, leurs intérieurs qui suintent le But® ou le Conforama®. Ces cons qui aiment Céline Dion et qui n’ont pas un seul bouquin chez eux, à part peut-être le dernier Musso sur la table basse du salon…

Tu ne luttes pas, jamais. Tu fais semblant, parfois, en engueulant ton fils ou en rabrouant ton banquier.

Contrairement au Léopard, tu n’es pas en voie d’extinction, et c’est bien dommage !

mardi 4 juillet 2017

Où sont passés

Où sont passés
les aventuriers balafrés
chercheurs d’or
trafiquants de pierres
vicieuses
d’armes légères
traversant déserts
et jungles putrides
les pirates des mers
rouge-sang
capitaines de sambouks
usés salés

Où sont passés
les moines exaltés
envoutés les pauvres
par tant de femmes
sauvages et ces cieux
si beaux le soir
quand le serpent
siffle
à leurs oreilles
fatigués
Dieu est une
Belle farce

Où sont passés
les poètes ratés
hantant les couloirs
des maisons vides
les révoltés
aux gueules d’ouvriers
crachant leur haine
des bourgeois graisseux
un ballon de vinasse
un néon verdâtre
mort aux vaches
disent-ils

Où sont passés
les fous décharnés
les nains méchants
les putes de quartiers
dans les rues noires
mal fréquentées
des villes pas
ravalées
tristes et belles
le dimanche matin
quand le clodo dort
sous mon porche